« Les limites de l’écran ne sont pas, comme le vocabulaire technique le laisserait parfois entendre, le cadre de l’image, mais un cache qui ne peut que démasquer une partie de la réalité. Le cadre polarise l’espace vers le dedans, tout ce que l’écran nous montre est au contraire censé se prolonger indéfiniment dans l’univers. Le cadre est centripète, l’écran centrifuge. » - Chapitre XII, Peinture et Cinéma qu’est-ce que le cinéma ?, André Bazin, cerf, 2010 ( première édition 1985)
➡ Jouer avec le cadre de l’image
Dans cette image à fond perdu, Betty Bone joue avec les limites du cadre, elle représente la jambe de trois personnes en train de franchir ses limites. Elle obtient ainsi un effet de mouvement et elle sollicite l’imagination des spectateurs sur l’identité des trois marcheurs mystérieux.
Ce jeu avec le cadre permet aussi de créer du lien avec l’image suivante. Les trois personnes sont maintenant entièrement visibles dans le champ de l’image.
Un nouveau personnage, l’homme à la pipe, est en train de franchir à son tour le cadre. Les entrées et les sorties du champ dynamisent la scène de rue.
Poussez pas, Martine Perrin, Milan, 2010
➡ Jouer avec le cadre de l’image
Martine Perrin propose aux enfants un jeu de devinettes. La silhouette d’un animal est coupée en deux par le cadre de la couverture. Une seule envie s’empare du lecteur, tourner la page pour vérifier à qui appartient cet arrière-train ! Le jeu ne fait que commencer.
Touït touït, Olivier Douzou, Éditions du Rouergue, 2014
➡ Entrer et sortir du champ par le fond de l’image
Dans cet album pour les tout petits Olivier Douzou met en scène un oiseau qui cherche à expulser un ver de terre de son trou mais ce dernier n’a nullement l’intention de se laisser faire. Sur le fond blanc de la page nos deux protagonistes apparaissent avec comme seul décor deux trous qui vont permettre au ver de terre d’entrer et de sortir du champ de l’image. Voici les cinq premières doubles-pages de l’album :
Dans la première double-page, la tête d’un ver de terre coiffé d’un chapeau melon sort de son trou. Il regarde sur le côté, il semble inquiet.
Sur la deuxième double-page, son inquiétude est confirmée. Toutefois l’objet de sa crainte ne nous est pas encore accessible, il est dans le hors-champ de l’image.
Dans la page suivante, il apparaît, c’est un oiseau qui arrive en piaillant d’un pas décidé. Le ver de terre a juste le temps de disparaître dans son trou.
Pendant que l’oiseau s’égosille sur la page de droite, des petites taches noires apparaissent sur celle de gauche.
Le ver de terre apparaît dans le nouveau trou qu’il vient de creuser, il manifeste une forte colère qui surprend l’oiseau.
Le trou figuré par une tache noire permet au ver de terre d’apparaître et de disparaître à sa guise. Le monde souterrain dans lequel il évolue n’est pas représenté, le lecteur est invité à l’imaginer.
Mange, mon ange !, Christine Schneider, Hervé Pinel, Albin Michel Jeunesse, 2002
➡ Prolonger par le dessin le champ de l’image
Un jeune lapin, Lou, n’a pas envie de manger sa soupe. Imagine la tête de la personne qui lui a préparé son dîner.
Un peu perdu, Chris Haughton, Éditions Thierry Magnier, 2010
Un peu perdu, Hélène Ducrocq, 2017
➡ Comparer comment les déplacements sont représentés dans les deux médiums
Un peu perdu est le tout premier album de l’auteur illustrateur irlandais Chris Haughton. Pendant son sommeil un bébé chouette tombe de son nid. Il se retrouve seul dans la forêt sans sa maman. Un écureuil plein de bonne volonté propose de l’aider à la retrouver. Pour cela, il lui demande de la décrire. D’une description à l’autre, l’aventure commence…
Dans l’album, le trajet est effectué pendant que le lecteur tourne la page. Qu’en est-il dans le court métrage réalisé par Hélène Ducrocq ?
La conversation entre le bébé chouette et l’écureuil est montrée par un plan fixe, ce plan équivaut aux pages du livre. On voit successivement l’écureuil et le bébé chouette sortir du cadre. Le deuxième plan est en mouvement, le regard du spectateur se déplace vers la droite, il suit ainsi la course des deux personnages. Le déplacement du regard est continu, seul l’écureuil s’arrête à deux reprises pour permettre au bébé chouette de le rejoindre.
Le plan redevient fixe lorsqu’ils arrivent devant l’ours, ce plan est à nouveau l’équivalent de la page de l’album.
Un deuxième trajet est étudié dans la séance suivante consacrée au montage.
Voir la séance suivante